Substituer le blé importé par des céréales locales : l’expérience sénégalaise réussie
Dans le cadre du programme FO4FS, financé par la GIZ et opérationnalisé par Agricord, le CSA ( Collectif Stratégies Alimentaires) et l’agri-agence ASPRODEB (Association Sénégalaise pour la Promotion du Développement à la Base) ont construit avec la Propac (Plateforme Régionale des Organisations Paysannes d’Afrique Centrale) et le ROPPA (Réseau des organisations paysannes et de producteurs agricoles de l’Afrique de l’Ouest) un projet visant à favoriser les achats institutionnels et l’incorporation des céréales et tubercules locaux dans les processus de panification. Ce projet permettra ainsi de toucher l’ensemble des organisations paysannes membres de ces deux réseaux en Afrique centrale et de l’ouest. Il s’inscrit pleinement dans l’objectif du programme FO4FS qui vise à contribuer à la transformation des systèmes alimentaires vers davantage de résilience et d’inclusion.

Cette semaine, les 4 partenaires ont rejoint Dakar où l’ASPRODEB avait préparé pour eux un programme de voyage d’étude riche en apprentissage pour l’ensemble des participants. Ces quelques jours intenses en activités ont permis à tous d’observer l’expérience très aboutie menée au Sénégal par l’ASPRODEB et les autres maillons de la filière en matière d’incorporation de céréales et de tubercules produits localement dans la panification, en remplacement des farines importées.
Outre les responsables du projet des deux agri-agences et des deux réseaux d’organisations de producteurs partenaires, des représentants des OP, transformateurs et boulangers de l’Afrique de l’ouest et centrale ont été conviés par le Roppa et la Propac à assister à ce voyage d’étude.
Ensemble, les participants ont d’abord pu prendre connaissance du fonctionnement du relationnel fructueux patiemment construit entre les divers maillons de la filière des farines panifiables au Sénégal : d’une part, les producteurs (représentés par ASPRODEB), d’autre part les transformateurs (qui produisent les farines) et enfin les boulangers (représentés par la FNBS, Fédération Nationale des Boulangers du Sénégal).
Les 3 maillons ont pris l’habitude de redéfinir chaque année le contenu des contrats qui les lient, dans une contractualisation qui fixe divers critères dont le type de produits, leur qualité et quantité, le prix … Se basant de façon rigoureuse sur l’observation des comptes d’exploitation pour chacun des échelons de la filière, cette négociation annuelle permet de fixer des conditions de répartition des marges équitables en toute transparence. Le cadre légal du Sénégal tend à favoriser l’intégration des farines locales, dans la mesure où il fixe un taux d’incorporation obligatoire de 15%, pour partiellement remplacer le blé importé massivement, avec des fluctuations de prix qui pèsent lourds et mettent la filière locale en difficulté.
Par ailleurs, le prix du pain est, lui aussi réglementé. Les 3 acteurs de la filière ont pris ensemble la ferme résolution d’aller bien au-delà du taux minimal d’incorporation fixé légalement. La filière a développé une collaboration avec l’ITA (Institut Technique de l’Agroalimentaire), dont les chercheurs travaillent à trouver les meilleures compositions intégrant les farines locales en substitution du blé, pour obtenir des pâtes de qualité gustative et nutritive, qui satisferont à la fois les boulangers, et les consommateurs.


La Fédération Nationale des Boulangers du Sénégal (FNBS) a, pour sa part, créé une école des élites où les boulangers-gères ou futur(e)s boulangers-gères et pâtissiers-ères peuvent se familiariser aux techniques permettant d’utiliser ces farines mélangées intégrant jusqu’à 40 ou 50% de produits locaux.
Mil, manioc, fonio, riz, moringa, maïs… sont ainsi utilisés pour fabriquer de savoureux produits, dont les matières premières sont issues des exploitations familiales sénégalaises.
Lors du voyage d’étude, les participants ont ou se familiariser avec ces techniques de façon très concrète en participant à une journée de formation organisée avec la collaboration de la FNBS à l’école des élites de la boulangerie
Ils ont aussi pu rencontrer une entreprise de transformation de mil, pleinement inscrite dans la logique d’intégration des farines locales, ainsi que les coopératives de producteurs de la région de Thiès, qui ont également pu témoigner de l’apport positif de ce dialogue entre les acteurs de la filière, qui leur ouvre un intéressant marché d’écoulement pour leurs céréales et tubercules, à un prix rémunérateur. A l’issue du voyage, les participants (venus du Burkina, du Togo, du Tchad, du Cameroun et de République Centrafricaine) sont repartis vers leurs organisations respectives riches de la découverte de cette expérience porteuse, avec la volonté de la diffuser et de s’en inspirer dans leurs régions respectives. Le rapport complet de ce voyage d’étude sera disponible sous peu sur notre site web, et un webinaire de restitution est prévu au cours du mois de mars, afin de permettre aux personnes intéressées d’en apprendre plus sur cette expérience sénégalaise réussie.