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Forte hausse des prix alimentaires mondiaux : vers une nouvelle crise des prix ?

Julie Gabriel, 3 mars 2011
Mots-clés:

La hausse des prix actuelle
Un nouvel éclairage de la FAO sur la crise des prix du riz en 2007-2008
Quelles leçons tirer de l’expérience des prix du riz en 2007-2008 pour les politiques gouvernementales ?

Aujourd’hui, c’est près d’un milliard de personnes qui ont faim dans le monde.
Comme ce milliard de personnes est majoritairement constitué de paysans résidant dans des zones rurales, on pourrait croire qu’une augmentation des prix agricoles leur est favorable. Mais en réalité, ces agriculteurs très pauvres ne produisent déjà pas assez pour subvenir aux besoins de leur famille et encore moins pour vendre leur production. De plus, la majorité d’entre eux n’a pas l’opportunité d’accéder aux marchés où les prix sont élevés, ni d’acheter les intrants qui leur permettraient d’augmenter leurs rendements.

La hausse des prix actuelle

En janvier 2011, les prix des denrées alimentaires mondiaux ont atteint un nouveau pic historique depuis la création du recensement des prix alimentaires en 1990 et qui a même dépassé les records atteints à l’été 2008 (voir sur le site de la FAO).
Comme en 2008, le risque de crise est dû à la vulnérabilité et à la misère des populations appauvries et non à une insuffisance mondiale de production. Pour l’instant, les risques liés à l’augmentation des prix pour les consommateurs apparaissent moins importants qu’en 2008. Mais on se trouve dans une situation de plus grande précarité de la population face aux hausses de prix. Les produits touchés par cette augmentation sont essentiellement le blé, le maïs, le riz, les huiles et le sucre.

Un nouvel éclairage de la FAO sur la crise des prix du riz en 2007-2008

En 2007-2008, l’augmentation des prix du riz est due, nous dit la FAO, aux politiques gouvernementales et non à une modification des habitudes de production ou de consommation.
La rapide envolée des prix avait d’ailleurs surpris tous les acteurs du marché. C’est que les disponibilités en riz étaient amplement suffisantes pour répondre à la demande des pays.
Mais il n’en était pas de même pour d’autres produits, tels le maïs, le blé ou le soja, qui ont été sujets à de fortes augmentations de prix. Et comme les consommateurs et les producteurs ont la possibilité de substituer certains aliments par d’autres, le marché du riz a aussi été touché. Et en raison des inquiétudes des gouvernements, l’élévation des prix du riz a dépassé les prévisions.

Dans cette situation, les producteurs de riz ont limité leur offre sur les marchés afin de constituer des stocks. Et les Etats ont voulu préserver leurs populations des conséquences de la crise des prix alimentaires. Bien des pays importateurs de riz ont ouvert temporairement leurs frontières aux produits alimentaires (en supprimant les droits d’entrée) afin de stabiliser leurs propres marchés ou ont préparé des plans pour constituer des stocks, élevant ainsi la demande. D’autres pays, exportateurs, ont au contraire limité leurs exportations afin de garantir l’approvisionnement intérieur.

Beaucoup de décisions politiques ont été prises dans la précipitation et sans concertation avec les partenaires commerciaux. Les incertitudes grandissantes avec les changements réguliers dans les déclarations des politiques à mettre en œuvre ont poussé à la création de stocks de réserves par les consommateurs, les agriculteurs et les commerçants.

Quelles leçons tirer de l’expérience des prix du riz en 2007-2008 pour les politiques gouvernementales ?

La FAO estime que, si certaines restrictions ont permis de stabiliser les marchés intérieurs dans plusieurs pays, cela s’est fait au prix du marché international.
Elle estime aussi que la crise du riz aurait pu être limitée si les mesures politiques décrites ci-dessus n’avaient pas été adoptées.

Cependant, dans la perspective de souveraineté alimentaire qui est la nôtre, il est difficile de partager ces conclusions, même sans remettre en question l’analyse de ce qui s’est produit en 2007-08.
On ne peut en effet reprocher aux Etats de donner priorité à la sécurité alimentaire dans l’espace national dont ils sont les premiers responsables.

La leçon à tirer nous semble plutôt devoir être qu’il faut considérer les limites du marché mondial quant aux possibilités d’assurer la sécurité alimentaire, ce que bien des décideurs ont tenté de faire croire, notamment à l’OMC, mais aussi au Comité pour la sécurité mondiale.
Citons notamment l’Argentine, membre important du groupe de Cairns, qui était parmi les plus ardents défenseurs de cette idée d’assurer la sécurité alimentaire par la libéralisation des marchés agricoles, mais n’a pas hésité à limiter ses exportations au moment où l’approvisionnement du marché international était particulièrement souhaitable.

Plutôt que de vouloir consolider les disciplines de l’OMC afin de restreindre l’emploi des restrictions à l’exportation, il serait sans aucun doute plus judicieux de revoir les règles qui empêchent aujourd’hui les Etats de développer leur secteur agricole et de le protéger suffisamment à cet effet.
Aussi des mesures plus intéressantes pourraient être celles visant à la stabilisation du marché mondial du riz.

Les événements qui ont eu lieu lors de la crise des prix du riz en 2007-2008 sont singulièrement importants puisque le riz constitue un aliment de base pour les populations les plus pauvres du monde entier. Toutefois, les leçons à en tirer s’appliquent au marché de l’ensemble des produits alimentaires. En effet, chaque Etat doit prendre conscience que la stabilité du marché international favorisera, sur le long terme, les intérêts nationaux et notamment ceux des consommateurs et des agriculteurs pauvres. La coopération entre les partenaires commerciaux et la transparence des décisions peuvent augmenter la stabilité des prix sur les marchés nationaux et internationaux. Mais la recherche de la stabilité devrait être mise au centre des efforts pour anticiper les crises futures.

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