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Audition de la Commission spéciale "Climat et développement durable" du Parlement Fédéral belge

Alex Danau, 14 juin 2008
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Nous avons répondu à l’invitation de la Commission spéciale "Climat et développement durable" de la Chambre des Représentants du Parlement fédéral belge qui organisait une audition sur la crise des prix alimentaires.

Il nous intéressait tout particulièrement d’entendre la présentation du professeur Olivier De Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, notamment après la difficile clôture de la Conférence de haut niveau de Rome.

Le Rapporteur spécial a longuement présenté son analyse de la situation (Retranscription provisoire) [1].

Il a énoncé les quatre facteurs ayant concouru à la hausse des prix alimentaires.

Il place en premier lieu l’augmentation "extrêmement spectaculaire et rapide du prix du pétrole, passé de 30 dollars le baril en 2000-2001 à 135 dollars aujourd’hui."

"Le deuxième facteur est le déséquilibre constaté aujourd’hui entre l’offre et la demande sur les marchés des matières premières agricoles."

"Le troisième facteur est, quant à lui, un facteur sur lequel beaucoup d’observateurs se sont penchés, car c’est celui sur lequel il est le plus facile d’agir. Ce n’est pas le plus important. Mais c’est certainement celui pour lequel il est le plus aisé de faire marche arrière. Il s’agit du développement des politiques qui visent à promouvoir les agrocarburants."

Finalement, il épingle la spéculation sur les marchés agricoles :

"La spéculation est un problème pour les consommateurs puisqu’elle accentue la hausse des prix. C’est un problème aussi pour les producteurs agricoles qui ne savent pas à quel prix ils vont pouvoir vendre leurs récoltes et qui ont, par conséquent, un accès plus difficile aux crédits. C’est par ailleurs un problème pour les États qui ne savent pas ce que vont coûter les programmes sociaux qu’ils veulent mettre sur pied pour aider les populations qui subissent l’impact de la hausse des prix.
Peut-on lutter contre la spéculation ? Oui, c’est possible. Des pistes sont explorées au plan international. La piste la plus souvent évoquée est la reconstitution de stocks alimentaires au niveau régional ou international permettant d’écouler des denrées agricoles alimentaires sur les marchés lorsque la fièvre sur les prix se fait jour et afin de couper l’herbe sous le pied de la spéculation..."

C’est un aspect de la crise que la Déclaration de la Conférence de haut niveau passe sous silence. Par ailleurs, ne faudrait-il pas aussi se préoccuper de la spéculation à l’oeuvre sur les marchés pétroliers ? C’est bien la hausse des produits pétroliers qui induit probablement la plus forte pression sur les prix agricoles. C’est également cette hausse qui détermine celle des prix des agrocarburants, lesquels lient directement les cours de ces matières premières.
Il serait donc bienvenu de lutter contre cette hausse spéculative aussi bien que contrecelle des produits agricoles.
Il était donc intéressant d’écouter le professeur De Schutter présenter les principales réactions de la Communauté internationale.
- La première réaction concerne les initiatives que la FAO et le PAM, par exemple, ont prises dans un cadre d’aide d’urgence.
- Le troisième type de réactions, c’est le fait que les programmes sociaux ont été étendus dans un certain nombre de pays pour protéger la population contre l’impact de la hausse des prix alimentaires.

- Le quatrième type de réactions, c’est la concertation de la communauté internationale.

Nous mettons en exergue le deuxième type de réaction, parce que c’est celle qui nous interpelle le plus.

- "Le deuxième type de réaction consiste en des réactions que les États ont eues en ce qui concerne leur politique commerciale. Certains États ont restreint les exportations de denrées alimentaires pour se protéger d’une conséquence d’une hausse des prix et pour protéger leur population contre le risque de pénuries alimentaires. Certains États exportateurs, comme l’Indonésie, l’Inde ou l’Argentine, ont imposé soit des interdictions d’exportation, soit des taxes élevées à l’exportation pour limiter le risque que leur population soit affectée par la hausse des prix sur les marchés internationaux. Ces réactions, pour compréhensibles qu’elles soient, ont eu un impact néfaste, car elles ont nourri la spéculation sur les marchés internationaux, elles ont conduit à une augmentation des prix sur les marchés internationaux - c’est évident - et elles ont rendu plus cher les importations de denrées alimentaires pour les pays importateurs nets de denrées alimentaires."...

...« Le problème, c’est que ces réactions n’ont pas été coordonnées, mais unilatérales et dictées par des considérations essentiellement de politique intérieure. S’il est une chose positive dans le sommet alimentaire mondial qui a eu lieu à Rome du 3 au 5 juin, c’est que les pays se sont parlé et se sont entendus sur la nécessité de se concerter sur leurs réactions à la crise. »

Il est révélateur que le problème que pose ce type de mesures soit identifié comment étant leur unilatéralisme alors que le troisième type sont également des mesures unilatérales, à ceci près, qu’elles ne mettent pas en cause le système commercial international.

C’est là un bien mauvais bout pour aborder ce que nous considérons comme la cause la plus déterminante de la crise, soit la libéralisation du commerce des produits agricoles et la mainmise des règles commerciale sur les politiques agricoles.

On comprend la réticence de nombreux États à accepter que certains pays prennent des mesures de protection en contradiction avec les théories qu’ils défendent à l’OMC. C’est d’autant plus difficile à accepter lorsque ce pragmatisme est le fait d’un des fervents défenseurs de l’ouverture des marchés agricoles, parce qu’il est grand pays agroexportateur.

C’est tout de même prendre la proie pour l’ombre, car si l’on peut admettre, ne considérant que la hausse des prix, que les mesures prises par certains pays, notamment par l’Argentine, ont eu une incidence sur les marchés internationaux, il faut dire que d’une part, le premier devoir des États est bel et bien de protéger leurs populations, fut-ce au détriment des marchés internationaux et que d’autre part, la Communauté internationale en est bien incapable.

Il serait, bien entendu, préférable que l’ensemble de la Communauté internationale prenne des mesures pour combler les déficiences de ces marchés internationaux. Mais non seulement elle ne le fait pas, mais elle appelle à une libéralisation plus importante.

Elle peut le faire en révisant les règles de l’Accord sur l’agriculture de l’OMC, non pas comme elle le souhaite, mais s’abstenant de désintrumenter les politiques agricoles.

Elle peut aussi, se doter d’accords de régulation des marchés internationaux des produits agricoles.

L’un des instruments nécessaire réside dans la constitution de stocks. C’est justement une des voies que le Rapporteur spécial explore, mais qu’il cite dans le cadre de la dissuasion de la spéculation. Il va jusqu’à proposer à la Belgique de prendre l’initiative sur ce sujet : « ... la Belgique doit forcer un débat sur la reconstitution des réserves alimentaires, des stocks alimentaires, sur le plan régional ou international. Si l’idée a été évoquée par certains intervenants dans les conférences internationales que j’ai mentionnées, elle n’a jamais été approfondie. Jamais personne n’a pris l’initiative d’instruire ce dossier de manière approfondie. Pourquoi la Belgique ne prendrait-elle pas l’initiative de demander à un groupe d’experts de travailler sur la faisabilité de ce scénario qui aujourd’hui n’est exploré de manière approfondie par aucun organisme ?"

Concernant la libéralisation du commerce, il est bon de savoir que le Rapporteur spécial compte en évaluer l’incidence sur la sécurité alimentaire.

Il met en garde sur les risques de promouvoir une révolution verte inadéquate en réponse à cette crise et nous renvoie aux conclusions du rapport de l’"Évaluation internationale des sciences et technologies agricoles au service de développement". Relancer l’agriculture est indispensable, mais en en vérifiant les effets sociaux sur les agriculteurs et les effets sur l’environnement.


titre documents joints

  • Audition de la Commission spéciale "Climat et développement durable" de la Chambre des Représentant du Parlement Fédéral belge 11 juin 2008-06-13
    [compte-rendu provisoire] Olivier De Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit àl’alimentation


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